Complications du diabète
Peau
Par Professeur Françoise Archambeaud, Diabétologue et Docteur Marion Couture, Dermatologue - Limoges
La peau est souvent le reflet externe (ou visible) de nombreuses maladies. Chez les personnes diabétiques, les troubles cutanés sont fréquents mais parfois négligés. Ils recouvrent un large spectre d’anomalies aussi bien dans le diabète de type 1 (DT 1) que le diabète de type 2 (DT 2). Les infections cutanées et les complications iatrogènes ne seront pas abordées.
Anomalies cutanées au cours du diabète de type 2
- Acrochordon ou molluscum pendulum
Tumeur pédonculée au niveau du cou, des aires axillaires, des paupières, elle réalise une excroissance couleur de peau ou un peu plus sombre. Cette lésion fréquente (25 à 46% des adultes) doit faire rechercher un diabète.
- Acanthosis nigricans
La plus connue des manifestations cutanées, 64% des obèses, est le témoin d’un excès en insuline et un facteur pronostique de développer un DT2. D’autres étiologies peuvent être associées à un Acanthosis nigricans : ovaires polykystiques, mais aussi syndrome para-néoplasique (où il y a souvent une atteinte des muqueuses). Il s’agit d’une plaque veloutée, papillomateuse, brune, hyperkératosique siégeant au niveau des plis, coudes, cou, aine(…). La perte de poids serait efficace sur la régression de l’acanthosis nigricans.
- Xanthomatose éruptive
Apparition subite de papules jaunes (fesses, coudes, surface d’extension des extrémités) : cette anomalie nécessite un diagnostic rapide car elle correspond à une augmentation importante des triglycérides et à un diabète mal équilibré avec risque de pancréatite. Ce peut-être le premier signe de diabète.
- Scléroedème diabétique
Rare atteinte du système conjonctif associée au DT2*, se rencontre chez 2,5 à 14% des diabétiques, en particulier les hommes obèses d’âge moyen. La peau est indurée, épaissie parfois érythémateuse à la partie supérieure du dos, du cou et des épaules, en pèlerine, avec un phénomène de la peau d’orange. Cette affection est asymptomatique mais des douleurs sont possibles avec diminution de la mobilité du dos et du cou. Le strict contrôle du diabète serait inefficace.
Manifestations cutanées au cours du diabète de type 1
- Vitiligo
Les macules circonscrites dépigmentées de la peau et des cheveux sont très souvent symétriques. Le vitiligo a une origine auto-immune avec destruction des mélanocytes. Il atteindrait 0,3 à 0,5% de la population et 2 à 10% des DT1. Le vitiligo est associé dans 20 à 30% à des désordres auto-immuns : maladie de Hashimoto, maladie de Basedow, polyarthrite rhumatoïde, Biermer, maladie d’Addison…
- La nécrobiose lipoïdique
Maladie granulomateuse non infectieuse, elle atteindrait surtout le DT1 (0,3 à 1,2%) avec une prédominance féminine. Elle se manifeste par des plaques irrégulières, ovoïdes avec centre jaune atrophique et une périphérie rouge pourpre. Elle siège surtout en région pré-tibiale, plus rarement au niveau du visage, cuir chevelu, du tronc, le plus souvent unique voire bilatérale. Cette lésion peut s’ulcérer spontanément ou après traumatisme (35 %). Le diagnostic différentiel est le granulome annulaire qui n’a jamais de coloration jaunâtre. La nécrobiose lipoïdique peut se voir aussi dans certaines maladies de système (maladie de Crohn, polyarthrite rhumatoïde, sarcoïdose). La nécrobiose lipoïdique n’est pas forcément liée à un mauvais équilibre du diabète, elle régresse de façon spontanée dans 20% des cas.
- Bullose diabétique
Bulle séreuse liquidienne asymétrique non inflammatoire, de survenue spontanée au niveau des extrémités distales du tibia plus exceptionnellement aux avant-bras et mains. Atteint 0,5% des diabétiques, plutôt les hommes avec un diabète mal contrôlé et une neuropathie distale. Étiologie mal connue. Il s’agit d’un diagnostic d’exclusion, des biopsies sont nécessaires montrant que les bulles sont non inflammatoires intra ou sousépidermiques. L’immunofluorescence est négative. Le traitement repose sur la prévention de l’infection, la percée de la bulle et du tulle gras. La guérison survient en 2 à 5 semaines. La récidive est possible au niveau du même site ou sur une autre localisation.
Anomalies cutanées au cours des diabètes de type 1 et 2
- La dermopathie diabétique
Marqueur cutané le plus commun du diabète. 30 à 40% des diabétiques de + de 50 ans en seraient atteints, 2% chez les sujets contrôles. Elle indiquerait des complications micro-angiopathiques (rétinopathie, néphropathie, neuropathie). Les lésions sont inférieures à 1 cm bien limitées, lésions pigmentées rondes ou ovales au niveau du tibia de façon bilatérale et asymétrique. Les lésions diminuent en 1 à 2 ans pour laisser des plages d’hypo-pigmentation atrophique.
- La xérose
Une peau sèche se voit chez 26,4% des diabétiques surtout s’il y a une neuropathie autonome. Le risque d’infection et d’ulcération est important. Au début cette xérose entraîne prurit, écailles, fissures, qui sont augmentés par le froid et l’air sec. Le traitement repose sur l’utilisation d’émollients.
- Sclérose des extrémités digitales ou cheiroarthropathie diabétique
8 à 34% des diabétiques en seraient atteints surtout le DT1 mais aussi chez 2% de la population non diabétique. Ces anomalies sont liées à l’ancienneté du diabète et se traduisent par un enraidissement articulaire avec tendinite, impossibilité d’extension totale des mains avec le signe de la prière. Le traitement repose essentiellement sur la rééducation.
- Psoriasis
Inflammation immunologique d’origine génétique et environnementale. Les papules sont érythémateuses, desquamatives et localisées au niveau de la tête, du cou, du genou, mains, pieds, tronc et ongles. 9% des diabétiques auraient un psoriasis. Le diagnostic est clinique mais nécessite l’avis d’un dermatologue. Les agonistes du GLP1 amélioreraient le psoriasis.
- Le granulome annulaire
Manifestation granulomateuse, les papules sont érythémateuses ou claires, coalescentes. Les lésions sont ovales ou rondes et ressemblent à une teigne mais il n’y a pas de symptomatologie, ni vésicule, ni écaille. La relation est controversée avec le diabète.
- Dermatose perforante acquise
Elle réalise une perforation trans-épidermique avec élimination du tissu conjonctif du derme. Les lésions sont très prurigineuses avec des papules et nodules ayant un point central kératinisé et siègeant au niveau de la face d’extension des extrémités et du tronc, moins souvent de la tête. Se voit chez les diabétiques en insuffisance rénale et hémodialysés. Le traitement n’est pas spécifié, il est conseillé d’éviter les traumatismes.
- Rubéose faciale
Assez fréquente (3,2% des diabétiques), il s’agit d’une complication micro-angiopathique avec un aspect de flush de la face parfois généralisé. Elle correspond à un mauvais contrôle glycémique associé à des troubles micro-circulatoires d’où la dilatation veineuse, souvent associée à une rétinopathie.
- Télangiectasie péri-unguéale
L’érythème péri-unguéal avec douleurs des doigts, cuticules épaissies, correspond à une micro angiopathie. 49% des diabétiques en seraient atteints.
- Lichen plan
Affection inflammatoire chronique surtout au niveau de la peau, des bras et des jambes mais aussi des muqueuses, du cuir chevelu et des ongles. Il attendrait 0,14% à 1,9% de la population générale et 2 à 4% des diabétiques. Les lésions sont prurigineuses, pourpres, polygonales avec des lésions en papule ou plaque (signe des 4P). Il peut y avoir des ulcérations. Au niveau de la bouche, parfois des brûlures, aspect en dentelle au niveau de la face latérale de la bouche (lèvres, gencive et langue). Le diagnostic est clinique, une guérison spontanée peut survenir en 1 à 2 ans.
CONCLUSION
Les manifestations cutanées du DT1 et DT2 sont multiples, certaines nécessitent un diagnostic urgent (le xanthome éruptif), d’autres un avis dermatologique (la dermatose bulleuse, le psoriasis, le lichen plan et le granulome annulaire). Enfin, des lésions doivent faire rechercher un diabète : l’acanthosis nigricans ou les acrochordons.
Sources :
- Lettre Information Diabète Santé du CeeD - Printemps 2017
- * Murphy-Chutorian B1, Han G, Cohen SR. Dermatologic manifestations of diabetes mellitus: a review. Endocrinol Metab Clin North Am. 2013 Dec; 42(4):869-98.