Le diabète en bref

Une maladie chronique, une maladie métabolique (définitions), une maladie si ancienne et tellement moderne...

Une maladie chronique

Le diabète fait partie d’un nouveau groupe de maladies, les maladies chroniques, qui se développent très rapidement depuis le début du XXIe siècle. C’est la maladie chronique la mieux connue à ce jour.


Sous l’appellation de maladie chronique, on entend une maladie nécessitant un traitement prolongé, de plusieurs mois, voire en général années. Ceci ne présage en rien de la possibilité de guérison à terme. Même si c’est souvent le cas, une maladie chronique n’est pas nécessairement une maladie incurable.


Les maladies chroniques concernent aujourd’hui tous les domaines de la médecine : la pneumologie (asthme, bronchite chronique…), la neurologie (maladies neurodégénératives, démences, Alzheimer, etc.), les maladies rhumatismales (polyarthrite rhumatoïde, spondylarthrose ankylosante, etc.), les maladies cardiovasculaires (hypertension artérielle, insuffisance cardiaque, maladie coronarienne, etc.), les maladies rénales (insuffisance rénale, maladie lithiasique), certains cancers, les allergies de toute nature, les addictions, la dépression et bien d’autres.


La sédentarité, le surpoids, l’obésité et le diabète sont toutefois les plus lourdes pour la société, concernant plus de la moitié de la population française.


Les études épidémiologiques, dont nous ferons état un peu plus loin, ont permis de comprendre pourquoi le diabète (de type 1 comme de type 2) se développe si rapidement partout dans le monde, en en faisant la première pandémie de maladies non contagieuses (selon l’OMS). Très clairement ce qui a été démontré pour le diabète, s’applique à l’ensemble des maladies chroniques.


Le schéma rappelle les conditions nécessaires, dès le début de la vie, pour qu’un diabète puisse s’installer et évoluer vers des complications. L’explosion actuelle de la maladie tient essentiellement au fait que les facteurs environnementaux (témoins de la vie actuelle) sont à l’opposé de ceux autour desquels s’est construit, au fil des siècles, notre patrimoine génétique.

Une maladie métabolique : définitions

La glycémie, une constante essentielle au bon fonctionnement cellulaire


  • Le glucose, principal nutriment des cellules qui composent notre organisme, est amené à celles­-ci par le sang circulant.
  • Les cellules fonctionnent de manière optimale si le taux de sucre dans le sang (glycémie) est compris entre 0,70 g/L et 1,10 g/L de sang tout au long de la journée, et ce, toute la vie.
  • Pour que cette constance soit assurée, il faut que les apports de glucose (apports exogènes provenant de la digestion des ali­ments et apports endogènes correspondant à une fabrication à 75 % par le foie et 25 % par les reins) soient exactement com­ pensés par la consommation de glucose par les organes, essen­tiellement le cerveau et le muscle.
  • C’est l’insuline, une hormone produite par les cellules bêta des îlots de Langerhans du pancréas, qui permet le maintien de cet équilibre en favorisant la consommation de glucose, essentielle­ ment par le muscle, et en en réduisant la production hépatique.


Le diabète, une maladie chronique caractérisée par la présence d’un excès de sucre dans le sang appelé hyperglycémie


  • La maladie est avérée si le taux de glycémie à jeun est égal ou supérieur à 1,26 g/L ou 7 mmol/L de sang lors de deux dosages successifs.
  • L’hyperglycémie est la conséquence d’un déséquilibre entre des apports de glucose augmentés (essentiellement les apports hépatiques) et une consommation de glucose diminuée (principalement au niveau musculaire) aboutissant à une hyperglycémie chronique.
  • Ce déséquilibre est l’expression d’une carence en insuline (insulinopénie) qui peut être absolue (absence totale de sécrétion insulinique) ou relative (sécrétion d’une quantité d’insuline insuffisante du fait d’une diminution de l’effet de l’insuline ou insulinorésistance).
  • C’est une perte progressive de la fonction des cellules pancréatiques sécrétant l’insuline (cellules bêta des îlots de Langerhans) qui est donc le premier responsable de cette maladie chronique.


Il n’existe pas un diabète, mais des diabètes


Certaines formes relativement rares de diabète sont secondaires à une autre maladie (métabolique, endocrinienne, etc.) ou un traitement (corticoïdes, immunosuppresseur, etc.).


La plupart des diabètes sont des diabètes primitifs, dont on connaît trois types principaux en France :

le diabète de type 1

conséquence d’une destruction totale des cellules et donc d’une insulinopénie, maladie débutant en général tôt dans la vie

le diabète de type 2

associant le plus souvent insulinopénie et insulinorésistance, est une maladie du sujet qui avance en âge

le diabète gestationnel

diabète le plus souvent tran­sitoire, découvert ou révélé pendant la grossesse ; le pancréas n’arrive plus à répondre de manière efficace à l’insulinorésistance qui se développe au cours des 9 mois de la gestation

Tous les diabètes ont en commun


  • l’origine, à savoir la perte de fonction des cellules insulino­ sécrétrices sous l’effet combiné, aujourd’hui démontré, de facteurs de prédisposition génétiques (facteurs innés) et de facteurs déclenchants environnementaux (facteurs acquis)
  • le risque lié à l’hyperglycémie chronique, qui peut entraîner un dysfonctionnement des toutes les cellules de l’organisme à l’origine d’un état inflammatoire chronique responsable des complications aiguës ou chroniques du diabète.


Une maladie si ancienne et tellement moderne

Le diabète sucré est une maladie qui semble avoir toujours existé, puisqu’on en retrouve sa description dans tous les précis de médecine de l’histoire, y compris dans le plus ancien connu, le papyrus d’Eberst. En effet, il y est décrit comme une maladie associant une polyurie (augmentation de la diurèse) associée à une perte de poids et évoluant vers une mort rapide. Il s’agissait des premières descriptions du diabète de type 1.


De l’Antiquité au XXe siècle : des conditions de vie traditionnelles


Le diabète allait rester une maladie rarissime en l’absence de traitement possible pour cette forme de type I, dont la survie n’est possible, on le sait aujourd’hui, que par l’apport d’insuline, impossible lors des siècles passés. Nos connaissances étaient également inexistantes sur les causes et conséquences de cette maladie.

Par ailleurs, tout au long de ces siècles écoulés, le mode de vie des populations était marqué par les souffrances (guerres, épidémies, etc.) conduisant régulièrement à des menaces de famine, en tout cas à une alimentation naturelle et peu abondante. Malgré cela, tous, hommes comme femmes, devaient avoir une activité physique importante.

Ces conditions de vie ne permettaient donc pas l’apparition des diabètes de type 2 dont nous savons aujourd’hui qu’elle est liée à des conditions de vie très différentes, notamment l’abondance alimentaire et la sédentarité.

Par contre, la survie de l’espèce humaine est passée, durant ces siècles, par une organisation génétique durable, donnant la priorité au stockage alimentaire et à l’épargne d’énergie, avec notamment la facilitation de l’obésité qui va rester très longtemps un mécanisme de survie. L’histoire retiendra que ceci a créé les conditions de développement des diabètes de type 2.

 

Le XIXe siècle allait permettre les premières avancées pour la compréhension de cette maladie, issues de la connaissance de l’anatomie du corps humain et de sa physiologie. C’est ainsi que Paul Langerhans allait décrire les îlots cellulaires, qui portent, depuis, son nom et contiennent les cellules secrétant l’insuline. De même, en réalisant des pancréatectomies chez l’animal, Minkowski et Von Mering allaient mettre en évidence l’origine pancréatique du diabète. L’appellation alors retenue, « diabète sucré », est rattachée au « passage » (l’origine grecque du mot diabète signifiant passage), en l’occurrence de sucre dans les urines.


L’insuline et les grands espoirs pour les enfants diabétiques de type 1 au XXe siècle


L’année 1921 (il y a tout juste 100 ans) allait voir la 1re avancée essentielle dans l’histoire de la maladie, la découverte à Toronto de l’insuline et la première utilisation de cette hormone, extraite du pancréas de chien, chez un enfant, un an plus tard. Cette avancée aurait pu se produire en Europe grâce aux travaux remarquables du Roumain Nicolae Paulesco.

L’histoire ne retiendra que les travaux des Canadiens Banting, Best, Collip et MacLeod qui vont permettre de sauver l’enfant Leonard Thomson.

À noter qu’en cédant leur brevet, les découvreurs canadiens allaient per­ mettre le développement de la 1re société impliquée dans la production industrielle d’insuline, la société Eli Lilly. De son côté, l’Europe développait sa propre production d’insuline extractive, à partir du laboratoire Léon Blum à Strasbourg.


La grande aventure de l’insulinothérapie allait commencer alors – et elle continue encore 100 ans plus tard, largement conduite par l’industrie pharmaceutique et la recherche clinique, notamment hospitalière. C’est à cette collaboration que l’on doit les avancées dans la qualité des insulines utilisées, que ce soit en termes de pureté, d’efficacité et de tolérance. En moins de 100 ans, on est passé des insulines animales extractives, d’abord de bœuf puis de porc, aux mêmes insulines à structure humaine puis aux insulines humaines produites par génie génétique, enfin aux analogues de l’insuline aux durées d’action mieux adaptées. Aujourd’hui, le traitement insulinique associe des analogues d’action rapide et des analogues d’action lente, ce que l’on appelle un

« schéma basal­-bolus ».


Les outils pour administrer l’insuline ont, eux aussi, beaucoup évolué, avec le passage des seringues métalliques avec des aiguilles à désinfecter aux seringues à usage unique avec aiguilles microfines, puis aux stylos d’abord rechargeables et aujourd’hui pré­remplis. Les pompes à insuline, systèmes portables miniaturisés de perfusion continue, permettent aussi d’administrer les analogues d’action rapide de façon plus physiologique.


De même, et pour déterminer la bonne dose d’insuline à administrer, il faut connaître le niveau d’équilibre glycémique et, là encore, on passe de la recherche du sucre dans les urines, par chauffage à la liqueur de Fehling, aux bandelettes de contrôle urinaire, puis dans le sang capillaire, aujourd’hui à la mesure continue du glucose dans le tissu graisseux.

Et tout ceci commence à communiquer ensemble grâce à des algorithmes, voire à des programmes d’intelligence artificielle.


C’est encore l’époque du développement de la thérapie cellulaire, en l’occurrence le traitement du diabète de type 1 par greffes d’îlots de Langerhans provenant de donneurs décédés par mort cérébrale. Très prometteuse, cette technique se heurte à des problèmes peut-­être en cours de solution.


Le XXe siècle va également voir des progrès dans la compréhension des mécanismes du diabète et surtout de l’apparition des complications à long terme de celui-­ci. Cela sera rendu possible par des avancées biotechnologiques, comme la mise au point des méthodes de dosages hormonaux, par le principe de la radio-­immunologie, par Solomon Berson et Rosalyn Yalow. C’est aussi au travers de grandes études portant sur des cohortes de patients et sur de longues périodes, entre 5 et 20 ans, voire plus, que l’on va chercher à définir les meilleurs moyens de contrôler la glycémie et, surtout, de prévenir les complications.


Aujourd’hui le diabète de type 2 est une nouvelle pandémie

Alors qu’on croyait être sur le point de venir à bout de la problématique du diabète de type 1, donc du diabète, voilà que survient, à la fin du XXe siècle, un événement que personne n’avait imaginé. Le diabète de type 2, celui qui ne préoccupait guère de chercheurs (ne parlait­-on pas alors de petit diabète ?) se met à se développer brutalement, avec une augmentation du nombre de cas d’abord dans les pays occidentaux, puis rapidement et plus sévèrement dans les pays émergents, notamment dans les pays asiatiques.


L’explosion de la prévalence (nombre de patients affectés) conduit tout naturellement à parler de pandémie, et trace les nouveaux paradigmes de la santé du XXIe siècle dominée par des pandémies de maladies chroniques, maladies non transmissibles écrira l’Organisation mondiale de la santé (OMS), dont le diabète est le premier exemple, suivi aujourd’hui par :

  • l’hypertension artérielle
  • les maladies cardiovasculaires
  • l’asthme et toutes les formes d’allergies
  • les cancers
  • les addictions
  • les maladies neuro­ psychiatriques
  • et bien d’autres.


Face aux 470 millions de diabétiques dans le monde en 2019 (vs 100 en 2000) et aux 5 millions en France (vs 1 en 2000) des mesures urgentes s’imposent, d’autant qu’il s’agit, comme toutes ces nouvelles pandémies de maladies chroniques de pathologies évitables. Certes le diabète de type 2 est à l’origine une maladie génétique, comme toutes les maladies chroniques, mais dont l’explosion est directement liée aux modifications brutales, au cours des 50 dernières années, de nos conditions de vie, conséquence notamment de l’explosion des avancées technologiques qui bouleversent notre mobilité, notre comportement alimentaire, le développement de notre cerveau.

Sédentarité, malbouffe et stress sont devenus la règle, comportements que nos gènes n’ont jamais rencontrés, bien au contraire.


La prévention,

le nouvel enjeu pour le XXIe siècle


La gestion de ces pandémies exige de nouvelles approches en termes de prise en charge mais aussi de recherche.


  • Comprendre les mécanismes de déploiement de la pandémie

c'est le but des études épidémiologiques notamment celles pilotées par l'International Diabetes Federation (IDF) au travers de l’Atlas mondial du diabète.


  • Eviter le lourd tribut de la maladie

en termes de complications et de mortalité c’est développer de nouveaux médicaments, ce à quoi s’attaque l’industrie pharmaceutique.


  • C’est aussi dépister tôt cette maladie

 alors que plus de la moitié des cas dans le monde n’est pas diagnostiquée du fait de l’absence de symptômes.


  • Enfin, le plus important doit être la prévention

en corrigeant les facteurs environnementaux en cause, notamment l’inactivité physique, voire la sédentarité et la « malbouffe ».


La nouvelle approche de lutte contre cette pandémie paraît simple : Prévenir, Diagnostiquer et Traiter, si simple en théorie, mais aujourd’hui en échec total, comme le montrent les prévisions de l’International Diabetes Federation (IDF) estimant à plus de 700 millions le nombre de diabétiques en 2040. Un échec individuel, un échec collectif qu’il faudra résoudre en comprenant que cette maladie, si banale il y a 50 ans, tue plus de 4 millions de sujets chaque année dans le monde.


Source : Le diabète: Mieux le comprendre pour mieux vivre. Michel Pinget, Michel Gerson. John Libbey Eurotext, 6 janv. 2022.

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