Diabète et jeûne :

une pratique pas nécessairement incompatible

Le Coran exempte les personnes malades si la pratique du Ramadan est susceptible de nuire à leur état de santé. Pourtant de nombreuses personnes diabétiques jeûnent malgré les risques de complications et des contre-indications médicales soit parce qu’elles ne se sentent pas malades, la maladie étant silencieuse, soit parce qu’elles ne veulent pas se sentir exclues de la famille ou de la communauté, le Ramadan s’associant à un moment de partage et de convivialité.


Qu’est ce que le jeûne ?

Le jeûne se caractérise par la privation de nourriture, accompagnée ou non d’une consommation d’eau. D’un point de vue médical, la période de jeûne commence à partir de la sixième heure après le dernier repas. Le jeûne fait partie intégrante de la pratique de nombreuses religions (Ramadan chez les musulmans, Carême chez les catholiques, Yom Kippour chez les israélites…).


Zoom sur le jeûne du Ramadan

Période très importante pour tous les musulmans, elle concerne environ 1,6 million de sujets soit 23,5 % de la population mondiale. Le Ramadan constitue le 4ème des 5 piliers fondamentaux sur lesquels l’islam a été construit. Il concerne tous les Musulmans en bonne santé physique et mentale, et ce à partir de la puberté. Le jeûne dure un mois, du lever au coucher du soleil avec interdiction de boire, de manger, de prendre des médicaments par voie orale, de fumer et d’avoir des relations sexuelles. Cependant, aucune limite n’est fixée pour la consommation d’aliments et de boissons du coucher au lever du soleil. Le Ramadan met l’accent sur le partage et la vie communautaire et est également une période de prière et de ferveur religieuse.


Qu’est-ce qui change pour les patients diabétiques ?

Le mois du Ramadan est source d’importantes modifications du rythme de vie. Après le jeûne, les pratiquants mangent abondamment (2 à 3 repas + grignotages) entre le coucher du soleil et l’aube. La rupture du jeûne est un moment convivial et de partage où l’alimentation est abondante :

  • riche en sucres et matières grasses
  • pauvre en fibres et en vitamines (peu de légumes, fruits ou crudités).

Les changements concernent également le sommeil (qualité et quantité) et l’hydratation, ce dernier point étant essentiel en période d’été.


Outre le changement de rythme de vie, le Ramadan entraîne des modifications des cycles hormonaux et biologiques, qui peuvent, chez les patients diabétiques, favoriser les complications du diabète.


Les risques liés au Ramadan

Le jeûne chez la population diabétique a été uniformément déconseillé par les professionnels de la santé. Les études ont, en effet, démontré une augmentation du risque de complications aiguës pendant cette période.


Les complications sont les suivantes :

  • Hypoglycémies, principalement dues à la diminution d’ingestion des aliments. Selon l’étude EPIDIAR, effectuée en 2001 chez près de 13 000 patients dans 13 pays, le jeûne augmente le risque d’hypoglycémies sévères de 4,7 fois chez les patients diabétiques de type 1 et de 7,5 fois chez les patients diabétiques de type 2.
  • Hyperglycémies. L’étude EPIDIAR démontre également, que l’incidence des hyperglycémies est multipliée par 5 chez le diabétique de type 2 pendant le jeûne et par 3 chez le diabétique de type 1. Ces résultats s’expliquent notamment par la réduction excessive des dosages de médicaments antihyperglycémiants et une alimentation chargée en sucre.
  • L’acidocétose diabétique, complication aiguë et grave, due à un déséquilibre glycémique majeur, survient principalement chez le diabétique de type 1. Le risque d‘acidocétose est accru surtout lorsque diabète est mal contrôlé avant le Ramadan ou si le patient diminue ses doses d’insuline en prévention des hypoglycémies.
  • La diminution des liquides ingérés durant le jeûne prolongé ou une transpiration excessive peuvent entraîner une déshydratation, laquelle risque de favoriser la survenue d’une hypotension orthostatique qui peut, elle-même, être responsable de chutes et de fractures. La déshydratation pourrait aussi augmenter le risque de thrombose et être responsable, en cas d’hyperglycémie majeure, de la survenue d’un coma hyperosmolaire, complication aiguë, gravissime et mortelle si elle n’est pas prise en charge.


Pour une identification des risques de variations de la glycémie, il est très important d’augmenter le nombre de glycémies capillaires. Une mesure le matin avant le jeûne, puis tout au long de la journée et avant le repas du soir. Ne pas hésiter à rompre le jeûne si le taux de sucre est inférieur au taux définis avec le médecin.


Évaluer les risques liés au Ramadan

Jeûner lorsque l’on est diabétique est une décision importante qui doit être prise après évaluation des risques, ils sont variables d’une personne à l’autre. Il est important avant de jeûner de consulter son médecin traitant ou son diabétologue pour une évaluation précise de la situation, des adaptations des traitements en fonction du changement de rythme. Tenir compte des conseils du médecin pour se mettre en sécurité. Les risques sont très importants pour le diabétique de type 1 ; ils le sont aussi en cas d’antécédents d’hypoglycémie sévère ou d’acidocétose dans les mois précédents.


Ils restent élevés en cas de diabète mal équilibré ou associé à des complications sévères. À l‘opposé, les risques sont moindres lorsque le diabète est bien équilibré, non traité par insuline ou sulfamide hypoglycémiant et en l’absence de pathologies lourdes associées.


Vous faites le choix après une évaluation des risques et les conseils de votre médecin de pratiquer le ramadan.


Avant Ramadan :

La préparation au jeûne des patients diabétiques est indispensable. L’éducation thérapeutique est, en effet, essentielle et débute dans les deux mois précédant le Ramadan.


Les précautions alimentaires : Si votre médecin vous a permis de jeûner, l’idéal est de structurer vos prises alimentaires autour de trois repas en heures décalées :

  • Un petit déjeuner, très tôt.
  • Un déjeuner, à la rupture du jeûne.
  • Un diner, dans la nuit.


Conseils pour les diabétiques prenant part au jeûne du Ramadan :

  • Précéder le jeûne, d’un enseignement adapté aux habitudes alimentaires du Ramadan et aux ajustements de traitements qui s’en suivent.
  • Avoir toujours, à portée de main, un kit d’urgence de l’hypoglycémie, si vous êtes traité par insuline.
  • Prendre avec soi du sucre ou une collation transportable en cas de nécessité de rupture du jeûne.
  • Éviter le grignotage en plus des repas de la nuit.
  • Boire abondamment de l’eau, du thé ou du café sans sucre ou miel.
  • Supprimer les sodas.
  • Poursuivre une activité physique modérée.
  • Veiller à dormir suffisamment


Attention :


  • Ne pas faire le Ramadan si cela vous met en danger.
  • Demander l’avis d’un professionnel
  • Interrompre sans hésiter le jeûne et reporter cette période si :
  • Votre glycémie est ≤ 0,6 g/L à n’importe quel moment de la journée.
  • Votre glycémie est inférieure à 0,7g/L pendant les premières heures suivant le début du jeûne en cas de traitement par insuline ou sulfamide hypoglycémiant.
  • La glycémie augmente de façon excessive, au-delà de 3g/L.






Source  :  Lettre Information Diabète Santé du CeeD - Printemps 2014